Quand le moteur a des ratés, râle… et rend l'âme

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Quand le moteur a des ratés, râle… et rend l'âme

Messagepar PaulD » Lun 25 Oct, 2004 05:14

Tiré de la série CHOCK TO CHOCK par DALE NIELSEN
Traduction de Pierre Bourdeau

Rien ne provoque chez un pilote une sensation de serrement de coeur comparable à celle ressentie lorsqu’il entend son moteur avoir des ratés, râler et menacer de rendre l’âme. Trop souvent, ce son semble paralyser notre cerveau et nous fait oublier de poser le premier geste enseigné à l’école d’aéronautique à ce propos : tirer sur la manette du réchauffe-carburateur.

Peu après son départ d’une piste privée près de Breton, Alberta, le moteur du Cessna 172 se mit à crachoter et à perdre de la puissance. Au cours de l’approche d’atterrissage dans un champ, l’extrémité de l’aile gauche frappa un arbre. L’appareil s’immobilisa à l’endroit dans le champ, mais les dommages s’avérèrent importants. Les conditions du ciel étaient généralement claires avec du brouillard dans les régions basses. La veille, on avait rempli le réservoir avec dix gallons d’essence d’auto. Le bureau d’Enquête de la Sécurité dans les Transports soupçonne du givrage dans le carburateur comme la raison probable de la perte de puissance.

Le Cessna 180 sur skis approchait d’une piste glacée près de Sioux Lookout, Ontario, lorsque le moteur eut des ratés. Même si le moteur continuait de tourner, l’appareil ne pouvait maintenir son altitude. Le pilote avertit par radio le responsable de la FSS de Sioux Lookout qu’il devait se poser. L’avion descendit dans les arbres et s’immobilisa suspendu seulement à quelques pieds du sol. Le pilote, seul à bord, portait une ceinture de sécurité avec harnais aux épaules, ce qui lui permit de s’en tirer sans blessures. Les enquêteurs croient que du givrage dans le carburateur serait à l’origine de la perte de puissance.

Le pilote d’un Taylorcraft BC12-D sur skis venait de décoller près de Hazelton, Colombie-Britannique. Quand il eût grimpé à 600 pieds, le moteur perdit sa puissance. Le pilote décida d’abord d’effectuer un atterrissage forcé dans un pré, mais il réalisa bientôt qu’il n’était pas assez haut pour éviter une rangée d’arbres aux abords du pré. Il se dirigea plutôt vers une rivière proche et frappa des arbres du côté opposé. L’appareil subit des dommages substantiels mais le pilote et le passager s’en tirèrent indemnes. La température locale consistait en une couverture nuageuse avec beaucoup d’humidité et une température de trois degrés Celcius, conditions favorables à la formation de givre dans le carburateur.

Un pilote aux commandes d’un Cessna 172 sur flottes voyageait de Toronto vers St-Ignace, Ontario, où il allait livrer l’appareil. La météo se gâta en route et il se posa à Umber Lake pour attendre une amélioration des conditions. Au cours de son arrêt, il ajouta 4 gallons d’essence automobile à la quantité d’essence avion se trouvant déjà dans les réservoirs. Comme la noirceur approchait, le pilote circula vers la piste du lac et décolla. Environ deux minutes après le décollage, le moteur se mit à perdre de la puissance. Le pilote alluma le réchauffe carburateur, ce qui eut pour effet d’empirer la situation. Il retourna vers Umber lake et entreprit une descente très prononcée lors de son approche : il arrondit très brusquement au-dessus du lac. L’avion se déporta violemment vers la droite en atterrissant et les flottes se détachèrent. L’appareil coula mais le pilote put sortir en sécurité et nager vers la plage. La température se tenait entre 13 à 16 degrés Celcius et l’humidité atteignait 100 pour cent. Les conditions météo se prêtaient à de la formation de givre dans le carburateur, quelque soit le régime du moteur, selon les chartes du AIP, AIR 2.3. Le Bureau d’Enquête de la Sécurité dans les Transports en déduit que, si le pilote avait utilisé le réchauffe carburateur un peu plus tôt lors de la séquence de décollage, la perte de puissance majeure n’aurait pas eu lieu.

« Si vous estimez que les conditions météo sont susceptibles de mener à la formation de givre dans le carburateur, allumez le réchauffe carburateur quelques minutes avant votre décollage, pour vous assurer qu"il n"y a pas de givre. »

Les trois premiers pilotes ne se servirent pas du réchauffe carburateur. Tous se trouvaient à une altitude relativement basse et le réchauffe carburateur aurait pu fonctionner trop brièvement pour faire fondre la glace à temps. Pourtant, ils auraient dû essayer. Cela aurait pu fonctionner.

Le premier, le deuxième et le quatrième accident se sont produits peu après le décollage. Il est possible que le givre dans le carburateur avait commencé à se former au sol.

Nous nous assurons tous que le réchauffe carburateur fonctionne avant le décollage. Nous nous assurons que le régime du moteur se maintienne et nous passons vite à la prochaine vérification. Nous devrions observer le régime pendant quelques moments après avoir sélectionné le réchauffe carburateur. Si le régime augmente pendant que le bouton de réchauffe carburateur est tiré, ceci confirme la présence de givre. Si c’est le cas, et même si ce n’est pas le cas, et que nous croyons que les conditions météo se prêtent à la formation de givre, nous devrions allumer le réchauffe carburateur pendant quelques minutes avant le décollage pour en avoir le coeur net. Une fois décollé, nous devrions être prêts à allumer le réchauffe carburateur immédiatement si nous remarquons une baisse de régime ou un moteur ne tournant pas rond.

Certains modèles d’avions sont plus susceptibles de développer ce problème : les C-150 et les C-180 en sont deux exemples. Quand on vole un avion de ce type, il serait sage d’y installer une jauge de température de carburateur. Ceci nous permettra de détecter rapidement la formation de givre, et de nous indiquer dans quelles circonstances il se formera.
Le premier et le quatrième pilotes utilisaient de l’essence auto ou du Mogas. Des tests menés par la FAA ont révélé que la formation de givre dans le carburateur va se manifester plus tôt si on utilise du Mogas au lieu du Avgas.

La bible AIP, AIR 2.3 spécifie, « À cause de sa haute volatilité, le Mogas est plus susceptible à la formation de givre dans le carburateur. Dans certaines conditions extrêmes, le givre peut se former à des températures extérieures de 20 degrés plus chaudes que lorsqu"on utilise du Avgas. »

Ce qui signifie que, lorsque nous utilisons du Mogas, le givrage du carburateur peut se former à des températures ausi élevées que 30 degrés celcius, ou virtuellement en toute occasion où il y a de l’humidité dans l’air.

Le quatrième pilote a remarqué que, lorsqu’il avait allumé le réchauffe carburateur, le régime du moteur baissait encore plus. Ce phénomène est normal. La glace doit fondre et l’eau qui en résulte doit être ingérée dans le moteur. On a déjà vu des moteurs s’éteindre à ce moment-là pour se rallumer ensuite. Tout cela prend du temps. Quand nous allumons le réchauffe carburateur pour une période prolongée, nous devons nous rappeler que le mélange essence et air est devenu plus riche et que nous devrons appauvrir le mélange à nouveau si nous désirons obtenir un meilleur rendement.

Quand nous approchons en vue d’un atterrissage, nous réduisons un peu le régime et maintenons la vitese. Le moteur se refroidit alors, ce qui peut abaisser sa température et provoquer du givrage. Si nous croyons que les conditions météo se prêtent au givrage du carburateur, nous devrions ouvrir le réchauffe carburateur quelque temps au cours de la descente, pour empêcher la formation de glace et éviter d’entendre les ratés du moteur à basse altitude.

Le fait que les carburateurs soient sensibles au givre, fait partie des choses courantes dans l’aviation. Nous devons nous méfier des conditions météo menant au givrage, et utiliser le réchauffe carburateur de manière à prévenir les sons si redoutés, comme « les ratés et les râles », ainsi que les dommages possibles à l’avion et à nous-mêmes.

Dale Nielsen a fait partie des Forces Armées Canadiennes comme pilote de F-18 à Bagotville, pilote d'avion taxi et opérateur d'un service aérien. Il travaille à son compte comme pilote corporatif et instructeur aérien (Classe 1), à partir de chez-lui à Richmond, Colombie Britannique. Il pilote aussi des équipes effectuant de la photo aérienne. Il est également l’auteur de sept manuels traitant de formation aéronautique, publiés par Canuck West Holdings. Est-ce que vous avez en réserve une histoire traitant de la sécurité aérienne? Dale serait heureux de lire votre récit d’une expérience éducationnelle du domaine de l’aviation. Des extraits de certaines de ces histoires seront publiés dans les prochaines rubriques. Vous pouvez rejoindre Dale par courriel au dnielsen@idmail. com
Traduit par Pierre Bourdeau avec l'autorisation expresse de l'auteur.
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