Les orages - Traduction de Pierre Bourdeau

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Les orages - Traduction de Pierre Bourdeau

Messagepar PaulD » Mer 30 Juin, 2004 03:52

Tiré de la série "Chock to chock" par DALE NIELSEN

On ne peut pas prédire les effets d'un éclair sur un avion.

La saison des orages s'amène. Nous en serons tous affectés d'une façon ou de l'autre. Certains d'entre nous allons retarder nos envolées, d'autres se détourneront vers un autre aéroport et quelques uns d'entre nous allons mourir à cause d'eux.
Les orages constituent un phénomène qui devrait nous imposer à la fois le respect et la crainte. Le tout commence par la formation de nuages cumulus. Une puissante poussée d'air vers le haut se développe, permettant aux cumulus de se multiplier rapidement. Ces premières poussées d'air montant peuvent atteindre 3000 pieds à la minute. Quand le système a atteint sa maturité, la pluie commence à tomber. La pluie froide provoque la formation de courants d'air descendant de 2500 pieds à la minute ou plus. Ces courants d'air descendant se dirigent de tous côtés en atteignant le sol, créant de forts vents tourbillonnants, une baisse importante de température et une hausse de la pression.
A ce stage, les courants d'air montant peuvent excéder 6000 pieds à la minute. Les petits orages peuvent mesurer moins de cinq milles de diamètre et les sommets s'élever à environ 25,000 pieds. Les bases des nuages cumulo nimbus vont de 200 jusqu'à 10,000 pieds au-dessus du sol. Au-dessus des prairies, où ils peuvent attirer une quantité importante d'air, les nuages cumulo nimbus vont parfois se développer pour devenir des monstres de plus de 30 milles de diamètre et atteindre des sommets de plus de 65,000 pieds.
Les systèmes orageux sont le résultat d'un réchauffement en surface et se produisent en milieu ou en fin d'après-midi. Leur durée peut s'étendre de vingt minutes à une heure et demie. Des orages à l'état stable sont associés à des fronts et ils peuvent se transformer en des lignes de grains couvrant plus de cent milles. Ces cellules peuvent durer plusieurs heures. La foudre peut constituer un problème, même si elle est loin de la cellule. Les éclairs peuvent aller d'un nuage à l'autre, d'un nuage vers le sol, du sol vers un nuage, et on les a même observés s'élevant en droite ligne à partir de la cellule. Un avion de métal constitue un paratonnerre très efficace.
Il n'y a pas de façon de prédire l'effet de la foudre sur un avion. Dans certains cas de foudre sur un avion, il n'y a pas eu de rapport de dommages. Toutefois, quand la foudre frappa le nez d'un CF-101 Voodoo des Forces Canadiennes, les premiers deux pieds du stabilisateur vertical s'envolèrent dans l'explosion. Un T-33 fut frappé par la foudre dans un réservoir de bout d'aile et elle ressortit par le réservoir de bout d'aile du côté opposé. Les deux réservoirs furent grandement endommagés.
La foudre frappa un Hercules sur le bout de l'aile et ressortit par le fuselage sur le côté opposé, laiissant des centaines de minuscules trous de la grosseur d'une épingle dans la peau du fuselage.
Un F-106 américain se désintégra en plein vol après avoir été frappé par la foudre.
La grêle peut faire plus que simplement bosseler la peau métallique d'un avion. Elle peut détruire un pare-brise, déchiqueter le tissu des sièges et endommager les surfaces de contrôle. Il n'est pas nécessaire de se trouver près d'un orage ou au centre de celui-ci pour recevoir de la grêle. Celle-ci peut se faire expulser du côté d'une cellule mature avec une force extraordinaire. Si notre malchance nous amenait à voler au centre d'un orage, il faudrait nous attendre à rencontrer du givrage sévère clair, ou mélangé clair, et de l'accumulation de givre sur la nacelle.
Le plus grand danger, par contre, se trouve au niveau des turbulences. A mesure qu'un orage approche, nous observons un changement rapide dans la direction du vent et une augmentation de sa vitesse.
Cette "première bourrasque" provient de larges poussées d'air descendant causées par des orages ayant atteint leur maturité; quand ils parviennent au sol à haute vitesse, ils s'étendent horizontalement. Les premières rafales peuvent changer de direction jusqu'à 180 degrés et atteindre des vitesses de 100 noeuds à des distances de 10 milles devant l'orage. Ces vents peuvent augmenter de vitesse jusqu'à 50 % à 150 pieds au-dessus du sol.
Nous devrions donc éviter de voler dans un orage. Le cisaillement entre les vents descendants et ascendants peut facilement disloquer un avion. Le fait de voler sous un orage comporte aussi un grand danger. Les mêmes cisaillements s'y retrouvent. Un courant ascendant peut rapidement aspirer un avion jusqu'au sommet de la cellule, tandis qu'un courant descendant peut faire s'écraser un avion au sol.
Les rafales descendantes ou les micro rafales sont des courants descendants extrêmement intenses qui peuvent neutraliser la capacité de grimper des plus gros avions de ligne.
Il n'existe aucun moyen de prédire où l'un de ces phénomènes va se produire. Des nuages de poussière, des nuages tourbillonnant rapidement et une pluie intense peuvent constituer des indices qu'une rafale descendante est possible. Au cours des quelques dernières années, il s'est produit plusieurs cas où des gros avions de ligne se sont écrasés au cours de l'approche, au moment où des orages se trouvaient tout près.
La FAA a établi que, dans certains de ces cas, des micro rafales avaient probablement causé l'accident. Si une micro rafale peut faire s'écraser un gros avion de ligne, il ne faut pas beaucoup d'imagination pour supposer ce qu'elle pourrait faire du Piper Cherokee familial.
Les nuages cumulo nimbus ne sont pas toujours faciles à voir, et en particulier ceux associés aux systèmes frontaux. Ils peuvent se trouver intégrés dans des nuages stratus ou strato cumulus. Le premier indice pouvant nous révéler leur présence est l'éclair.
Voici d'autres indices: un nuage particulièrement foncé en comparaison des autres nuages environnants, de la pluie plus forte, de la grêle ou de la turbulence.
Souvent l'apparition de ces indices signifie qu'il est déjà trop tard et que nous avons pénétré le domaine du monstre. Si nous désirons y survivre, il faut immédiatement se fier aux instruments et se concentrer à contrôler l'avion. Un virage immédiat au taux un, en conservant notre altitude, constitue la meilleure méthode pour y échapper.
Garder une vitesse à mi-chemin entre le décrochage et la ligne rouge peut s'avérer un défi si nous pénétrons l'univers des courants ascendants ou descendants. Si ceci se produit, il devient moins important de conserver l'altitude: ce qu'il faut, c'est maintenir la vitesse à l'intérieur des limites.
Le fait de voler dans les montagnes au cours d'un orage présente des dangers uniques. Les crêtes des montagnes peuvent camoufler l'approche d'un orage jusqu'à ce que la cellule mature franchisse la crête et concentre toute sa furie sur tout appareil se trouvant dans la vallée. Comme un entonnoir, les vallées fournissent au vent une vitesse encore plus grande: c'est l'effet venturi.
Chaque courbe de la vallée cause de la turbulence. Lorsque nous allons voler dans des vallées de montagnes, il nous faut toujours nous assurer que nous avons l'espace pour virer à 180 degrés afin d'échapper aux nuages, aux précipitations et aux vents associés aux orages.
A chaque année, nous perdons un ou deux camarades, parce qu'ils ont décidé de décoller avant que l'orage n'ait atteint l'aéroport. Ou encore a-t-il ou a-t-elle tenté de battre de vitesse l'orage en direction de l'aéroport.
Nous oublions que, si nous pouvons voir l'orage approcher, ses vents peuvent déjà être assez forts pour rendre un décollage ou un atterrissage extrêmement dangereux.
Les orages exigent qu'on les respecte. Ceux d'entre nous qui ne leur font pas preuve de respect, le font à leurs risques et périls.

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Dale Nielsen a fait partie des Forces Armées Canadiennes comme pilote de F-18 à Bagotville, pilote d'avion taxi et opérateur d'un service aérien. Il travaille à son compte comme pilote corporatif et instructeur aérien (Classe 1), à partir de chez-lui à Richmond, Colombie Britannique. Il pilote aussi des équipes effectuant de la photo aérienne. Il est également l’auteur de sept manuels traitant de formation aéronautique, publiés par Canuck West Holdings. Est-ce que vous avez en réserve une histoire traitant de la sécurité aérienne? Dale serait heureux de lire votre récit d’une expérience éducationnelle du domaine de l’aviation. Des extraits de certaines de ces histoires seront publiés dans les prochaines rubriques. Vous pouvez rejoindre Dale par courriel au dnielsen@idmail.com

Traduit par Pierre Bourdeau avec l'autorisation expresse de l'auteur.
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