Un mauvais départ - Traduction de Pierre Bourdeau

Articles de fonds, anecdotes, faits vécus, analyses, récits et compte-rendu d'expériences qui sont susceptibles d'être d'intérêt pour la communauté des pilotes, c'est par ici!

Un mauvais départ - Traduction de Pierre Bourdeau

Messagepar PaulD » Mer 19 Mai, 2004 20:56

Tiré de la série "Chock to Chock", par Dale Nielsen

Toutes nos envolées commencent par un décollage. Mais combien d'entre nous réfléchissons, même un peu, à la façon dont se déroulera notre prochain décollage? Nous effectuons régulièrement des décollages sans problème. Ils sont devenus une routine. Mais parfois, les conditions se révèlent différentes de ce que nous connaissons et nous ne réalisons pas, avant qu'il ne soit trop tard, que les performances de notre avion seront affectées, ou pourraient l'être.

L'ultraléger Rans Coyote décollait d'un champ de ferme lorsque, soudain, l'aile gauche s'abaissa. L'appareil plongea vers la terre et se renversa. Le pilote subit des blessures sérieuses, le passager s'en tira avec des blessures légères et l'appareil fut détruit. On rapporta que le vent soufflait entre 15 et 29 noeuds.

Le pilote du BD-4 de construction amateur, décollait dans cet avion pour la première fois. Le pilote déclara qu'après avoir roulé sur environ 7000 pieds d'une piste longue de 10,000 pieds, il s'était élevé et entreprit la montée à une vitesse de 67 milles à l'heure. L'appareil dériva vers la droite, l'aile droite s'abaissa et il s'écrasa. Les contrôleurs de la tour dirent qu'en quittant le sol, le nez de l'appareil se retrouva dans une attitude d'élévation extrême et l'avion sembla décrocher. Des pilotes familiers avec ce type d'avion dirent que le décollage aurait dû se faire entre 80 à 85 milles à l'heure.

Le pilote d'un Cessna 150 perdit le contrôle de son avion après s'être élevé à 25 ou 30 pieds. L'appareil rebondit de nouveau sur la piste deux fois de suite et, la deuxième fois, l'avion piqua du nez. Le pilote déclara que son indicateur de vitesse semblait fluctuer sans cesse, possiblement à cause de la turbulence. Le vent soufflait droit sur la piste à 15 noeuds, et aucune turbulence ne fut rapportée. La FAA établit que la cause probable était un décollage prématuré suivi d'un décrochage causé par une distraction. Il est possible que la turbulence y ait contribué.

Après un bref arrêt sur une piste de gazon, le pilote d'un C-172A essaya de décoller. Durant la lancée, il jugea que la vitesse ne s'avérait pas suffisante et il décida de s'arrêter. Au cours de la décélération, l'appareil glissa dans un fossé et subit des dommages substantiels. Il n'y eut pas de blessé.

Le pilote d'un ultraléger Kitfox essaya de décoller dans le vent à partir d'une piste privée en gazon. Au cours de la lancée, l'appareil rebondit à deux reprises et le pilote décida de na pas décoller. Il se rendit jusqu'à l'extrémité de la piste, se retourna et décolla avec le vent dans le dos. Il réussit à s'élever mais, à une altitude de 50 à 75 pieds, comme le nez de l'avion était dans une attitude assez élevée, l'appareil se mit à dériver vers la droite. Le nez s'abaissa et l'appareil s'écrasa au sol dans une attitude de piqué prononcé. Le pilote et le passager furent blessés sérieusement.

Un pilote de Cessna 310L décollait de la piste 28 à l'aéroport de Barrie-Orillia en Ontario. Durant sa lancée, le C-310 se déporta vers la gauche, sortit de la piste et frappa un amoncellement de neige. La piste était recouverte de neige mais pas vraiment glissante. Il faisait noir, il neigeait et le vent était léger. Les lumières de piste étaient allumées et visibles.

Le C-180A sur flotteurs partit de Hanging Ice Lake, dans les Territoires du Nord-Ouest, pour un vol d'entraînement alors que sévissaient de forts vents. L'avion ne put s'élever par dessus les collines environnantes et s'écrasa dans les arbres à environ un quart de mille de la rive. Les deux pilotes subirent des blessures sérieuses et durent être secourus par des techniciens sauveteurs de Recherches et Sauvetages, qui parvinrent à se parachuter vers la scène de l'écrasement.

Est-ce que chacun d'entre nous sait où se situe l'endroit précis où doit se prendre la décision de poursuivre le décollage ou d'arrêter?

Ce point pourrait être l'endroit où nous devons avoir atteint une certaine vitesse, ou celui où nous devrions avoir déjà décollé. La plupart d'entre nous croient que ceci est trop technique et inutile, étant donné que nous ne pilotons pas des jets de combat ou des avions de ligne. La plupart des pilotes impliqués dans les accidents décrits plus haut auraient mieux fait de décider à l'avance de l'endroit précis où prendre la décision de poursuivre leur décollage ou non, puis d'annuler celui-ci à ce moment-là.
Si nous avons l'impression que quelque chose pourrait altérer négativement notre performance de décollage, nous devrions préparer un plan incluant le moment ou bien l'endroit où devra se prendre la décision de poursuivre ou d'annuler, ainsi qu'une procédure précise en cas d'annulation.

Bien des choses peuvent dégrader la performance de décollage de notre avion: ce peut être un moteur peu performant, de la glace dans le carburateur, des pneus mous, une piste molle, de la neige sur la piste, de l'eau sur la piste, des vents de dos, des bourrasques, une piste élevée, des températures élevées, une humidité élevée. Les vents et l'état de la piste affecteront également notre appareil lorsque nous déciderons d'annuler le décollage.

Au lieu de planifier à l'avance, il nous arrive souvent d'interrompre trop tard le décollage ou encore de forcer l'avion à quitter le sol ou l'eau trop tôt, avant même d'avoir atteint la vitesse voulue. Le résultat est fâcheux dans les deux cas. Un plan nous permet d'identifier plus rapidement un problème au moment où il se manifeste, et d'y réagir plus vite. Sans un plan, nous développons une façon de penser qui se résume à ceci: allons voler, un point, c'est tout.

Les pilotes du Rans Coyote, du BD-4, et du C-150 pensaient ainsi. Sans aucun doute, le pilote du Kitfox pensait ainsi. Quand il ne put atteindre une vitesse suffisante pour soulever son avion alors qu'il décollait avec un vent de face, il tenta de décoller avec un vent de dos.

Aucun de ces pilotes n'avait une vitesse suffisante pour demeurer dans les airs en dehors de l'effet de sol, et tous finirent par décrocher lors du décollage.

Le pilote du C-310 commit aussi une erreur courante. Il se concentrait sur une partie du décollage et laissa l'avion dériver vers la gauche. Sur des pistes soit étroites, soit glissantes, lors de bourrasques ou quand la visibilité se trouve réduite pour quelque motif que ce soit, nous devons être encore plus conscients de la nécessité d'utiliser le pédalier de droite lors du décollage.

Les pilotes d'avions sur flotteurs n'accordèrent pas assez d'attention au vent. Une bourrasque ou un changement soudain de direction du vent peuvent réduire à zéro en une seconde une performance de montée. Quand nous décollons d'une baie ou d'un lac à l'abri du vent, ou encore d'une piste à l'abri du vent, Il nous arrive souvent d'ignorer ce que nous réservent les vents un peu plus haut. Un bon pilote va toujours s'assurer d'une distance additionnelle pour décoller et entreprendre sa montée, surtout quand il n'est pas certain de la condition des vents à quelques centaines de pieds de hauteur.

La planification demande du temps. Pas beaucoup de temps, juste un peu. Ce bref moment peut aider à nous éviter les semaines ou les mois passés dans un hôpital à nous demander pourquoi nous avons connu un si mauvais départ.

----------------------------

Dale Nielsen a fait partie des Forces Armées Canadiennes comme pilote de F-18 à Bagotville, pilote d'avion taxi et opérateur d'un service aérien. Il travaille à son compte comme pilote corporatif et instructeur aérien (Classe 1), à partir de chez-lui à Winlaw, Colombie Britannique.

Traduit par Pierre Bourdeau avec l'autorisation expresse de l'auteur.
Avatar de l’utilisateur
PaulD
Fondateur
Fondateur
 
Messages: 3734
Inscription: Lun 24 Nov, 2003 04:34
Localisation: Québec
Possédez-vous une licence de pilote?: Oui
Marque de l'avion: Cessna
Modèle de l'avion: Cardinal RG
Identification de l'avion: C-GDZG

Retourner vers Chroniques et récits

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 4 invités